Le projet associatif a été rédigé en 2008, à l'occasion des 10 ans, il est un texte de référence qui rappelle le sens de l'action de l'association.
Actrices du monde associatif, nos fédérations agissent pour l'éducation populaire et la participation des jeunes à la société. Ensemble, nous avons décidé de faire vivre nos convictions pédagogiques et citoyennes à travers le Réseau National des Juniors Associations qui permet à des jeunes de moins de 18 ans de s'associer pour apprendre, créer, agir et devenir des citoyens à part entière.
Notre ambition commune est de contribuer à changer l'image de la jeunesse pour que les rapports entre les générations ne soient plus fondés sur la méfiance. Notre société vieillit. Ses institutions, ses entreprises, ses associations peinent à laisser une place au renouvellement. Les hiérarchies se figent. Pour faire reverdir notre paysage social, il faut laisser aux plus jeunes une chance d'apprendre, de proposer, de se faire leur place.
Changer de regard sur la jeunesse
Nous avons la conviction qu'un rapport de confiance entre les générations est nécessaire pour que toute la société puisse enfin, à nouveau, regarder vers l'avenir. La France voit aujourd'hui en ses enfants une menace, car elle redoute ses propres transformations. Elle balance entre une vision fantasmée de son propre passé, et une angoisse du déclin qui empêche les plus jeunes de trouver leur place dans le récit national. Cette place, nous avons la conviction qu'ils peuvent la créer eux-mêmes, si on leur en laisse les moyens.
À l'image de la société elle-même, les jeunesses de France sont diverses, métissées, parfois antagonistes. Mais les enfants de la crise, et leurs parents, vivent tous une même réalité, celle d'une société où pour la première fois depuis la révolution industrielle, les enfants ne sont plus sûrs de vivre mieux que les parents. Cette rupture dans le progrès, qui d'une génération à l'autre cimentait le pacte social, doit nous conduire à porter un autre regard sur les jeunes de ce pays.
Ils sont nombreux, à 16 ans, à entrer dans la vie active où à travailler occasionnellement pour financer leurs études. D'aucuns voudraient même aujourd'hui qu'un jeune de 16 ans soit, devant un tribunal, considéré comme un majeur. Dans ces conditions, comment justifier que l'on refuse à des mineurs, dans les préfectures, de créer des associations, quand rien, dans la loi de 1901, ne vient justifier ce refus ? Nous sommes résolument partisans de l'engagement des jeunes dans la vie civique, sans discrimination d'âge, et la loi de 1901 le permet.
Nous voulons que les jeunes soient acteurs de leur vie. Nous connaissons leurs difficultés : précarité, discriminations, prise d'indépendance retardée. Pour y faire face, nous voulons favoriser leur autonomie tout en les aidant à construire leur relation aux autres. Nous voulons les laisser conquérir leur liberté. Et pour cela, nous leur offrons un cadre émancipateur, où peuvent s'épanouir, dans son rapport à l'autre, l'estime de soi et la dignité.
Bien souvent, l'éducation des jeunes se fait dans la peur de l'échec et de la sanction. Un système éducatif qui repose sur la sélection, un monde du travail trop souvent discriminatoire, un fort courant répressif et sécuritaire concourent à créer un climat de crainte et poussent au repli-sur-soi. À contre-courant de cette société de la méfiance et de la compétition, nous voulons promouvoir les principes de l'éducation non formelle, ceux de l'expérimentation et du droit à l'erreur, de l'apprentissage actif, plutôt que de la passivité du consommateur - de l'auto-organisation et de la participation, plutôt que de la restauration d'un ordre disciplinaire.
Nous créons, jour après jour, ces espaces d'auto-organisation des jeunes, car la prise de responsabilité est la condition de l'épanouissement de la citoyenneté. C'est pourquoi nous voulons réhabiliter l'association en tant qu'espace de délibération. Les associations, et en particulier les associations de jeunes, ne doivent pas être traitées seulement en instruments, en supports d'actions qui n'auraient de sens qu'à condition de porter un projet à subventionner.
L'association est un lieu de fraternité, d'affinité, de créativité. En cela, l'idée associative reste une idée neuve, porteuse d'une véritable utopie sociale que les jeunes générations s'approprient bien plus que ne le croient leurs aînés.
Les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas moins engagés que les baby-boomers ne l'étaient il y a quarante ans. Plus pragmatiques, certainement, ils sont aussi plus prudents à l'égard du discours politique, car marqués par l'insécurité sociale qui les inquiète et angoisse leurs parents. Mais capables aussi de se mobiliser massivement, de se déplacer pour aller voter, et d'inventer de nouvelles formes de communication et d'action, celles qui correspondent à la société des réseaux et de la mondialisation culturelle.
On dit ces jeunes trop individualistes. Mais la société des individus n'est pas leur création : c'est bien le modèle que nous leur proposons. Et ils sont sans doute bien mieux préparés que nous pour faire de la reconnaissance de l'individu une conquête démocratique, celle du droit à la poursuite du bonheur, celle aussi de la recherche du progrès humain.
Une démarche de réciprocité
Ces valeurs sont à l'origine du Réseau National des Juniors Associations qui propose une relation nouvelle entre adultes et jeunes mineurs : une majorité accompagnée, fondée sur des obligations réciproques, dans le respect de l'initiative des jeunes.
Au sein d'une Junior Association, les jeunes sont maîtres de leurs projets et ils évoluent entre pairs. Le cadre associatif est à la fois pour eux un lieu d'expérimentation, où le droit au tâtonnement est une valeur forte, et un lieu de sociabilité où une organisation souple permet de privilégier la convivialité, plutôt qu'un mimétisme avec les formes traditionnelles de représentation. Dans tous les domaines et sur tous les territoires, les Juniors Associations offrent donc une autre manière d'acquérir des compétences et des savoir-faire et savoir-être. En un mot, une autre éducation.
Ce qui rend possible l'existence de ce Réseau, c'est l'engagement non seulement des jeunes mais aussi celui des adultes, bénévoles ou salariés de nos mouvements, salariés de collectivités territoriales partenaires, ou tout simplement de la famille. Ce qui leur est demandé, c'est bien d'accompagner, et non pas d'animer. C'est de permettre aux jeunes de mener des projets et de prendre des initiatives, non de se substituer à eux. Ces adultes s'engagent à une véritable prise en compte du point de vue des jeunes. Une écoute sans préjugés, une reformulation, parfois, mais sans trahison. Ce dialogue ouvert porte un nom : la reconnaissance.
Le Réseau offre une valorisation des expériences menées à travers un développement des échanges entre jeunes et un décodage des institutions qui sont les interlocuteurs des associations dans la mise en œuvre de leurs projets. Il propose une véritable qualification au service des projets, en mettant à disposition des outils pour concrètement faciliter leur mise en œuvre. Cela ne signifie pas que tous les projets sont menés à bien, car respecter les jeunes ne revient pas à systématiquement leur dire « oui », mais impose de toujours justifier et motiver ses décisions. Ce refus de la démagogie est aussi une marque de notre engagement éducatif, loin des modèles proposés par le marché de la « culture jeune ».
Nous savons qu'un autre contrat entre les générations est aujourd'hui possible parce que jour après jour, nous le mettons en œuvre. Ce nouveau contrat revêt aujourd'hui le caractère d'une urgence sociale, car quand le dialogue entre les générations est rompu, il est très difficile de le renouer. Notre jeunesse a besoin de portes ouvertes. Et tous les jeunes qui se sont investis dans une Junior Association pourront vous le dire : on peut avoir 17 ans, et ne pas manquer d'expérience.